La désertification est un phénomène très complexe. Le phénomène est défini comme la dégradation des terres dans les zones arides, semi-arides et subhumides sèches, par suite de divers facteurs parmi lesquels les activités humaines, en particulier celles résultant d'une mobilisation malpropre e t excessive des ressources naturelles en général, mais aussi la prédisposition des milieux naturels a être ses victimes par suite d’une fragilité et d’une vulnérabilité que ne cesse d’amplifier davantage les variations climatiques. Il place les facteurs humains et environnementaux comme porteurs de ses causes et, en même temps, de ses conséquences. Il fait incontestablement partie de ces spirales infernales : la pauvreté et/ou la recherche de profits accrus et/ou le développement anarchique conduisent à une exploitation accrue des terres et des ressources naturelles en général, donc à la dégradation des écosystèmes, alors que la dégradation accroît elle même la pauvreté.
En effet, les conséquences de la dégradation des terres ou plus précisément des écosystèmes, y compris les agro-écosystèmes, sont aussi bien environnementales qu’économiques et sont antagoniques avec la poursuite du développement durable. Sur le plan environnemental, il s’agit d’un processus d’érosion de ressources naturelles, allant jusqu'à l'appauvrissement de la biodiversité, la réduction de la fixation de carbone et de la pollution des eaux internationales, alors que la mobilisation de telles ressources devrait se faire sans altération de leur capacité de régénération ou menace de leur préservation. Sur le plan économique, la poursuite du développement/lutte contre la pauvreté/amélioration des conditions de vie des populations se trouvera bien compromise. A l’évidence, la lutte contre un tel phénomène devint alors un préalable indispensable à la promotion du développement durable.
En Tunisie, cette problématique est d’autant plus préoccupante que le territoire national est :
- selon le PAN / LCD, non affecté par la désertification pour 6 % seulement, alors qu’il est désertique dans une proportion de 21,5 %, très affecté par la désertification pour 17,2 %, moyennement affecté pour 23,2 % et peu affecté pour 32,1 %
- selon l’étude CNEA, désertique pour 17,1 %, très sensible à la désertification pour 40,2 %, sensible pour 31,7 % et moyennement sensible pour 5,5 % seulement.
Le phénomène est accentué par la prédominance du contexte bioclimatique aride, facteur qui n’a pas été sans contribuer à induire et accroitre un autre facteur d’amplification du phénomène, à savoir l’affectation et l’utilisation malpropre des terres et des ressources naturelles en général, particulièrement pendant les dernières décennies du siècle dernier. En effet, il est incontestable que la diversité climatique et physique du territoire national a largement influencé les modes de mobilisation et d’exploitation des ressources naturelles qui, sous l’effet de l’accroissement démographique, ont fini par devenir excessifs et malpropres (surpâturage, mise en culture de parcours naturels à vocation pastorale, éradication des espèces ligneuses, irrigation à l’eau saumâtre accompagnée d’un drainage défectueux) pour qu’ils s’érigent comme facteurs redoutables de dégradation conduisant à la désertification et exprimant sa manifestation.
Par ailleurs, pour certains, les menaces de la désertification proviennent essentiellement des problèmes d'utilisation des ressources naturelles ; les facteurs du milieu naturel accentuant ces menaces, notamment les sécheresses chroniques plus ou moins persistantes. Certes, la maîtrise insuffisante de la gestion des ressources naturelles en général et, parfois, l'inadaptation des techniques culturales aux conditions du milieu ne font qu’aggraver ces menaces.
Sur un autre plan, la pauvreté de la population rurale est telle que celle-ci est mue par une stratégie de survie, antagonique, à moyen et long terme, avec des stratégies visant la conservation des ressources naturelles. Telles stratégies paysannes devenaient de plus en plus en vigueur avec la dislocation des structures communautaires traditionnelles qui ont fini par faire émousser la solidarité communautaire autour des activités liées à l'exploitation des ressources naturelles.
L’institutionnel, également, n’a pas été sans avoir contribué à aggraver davantage la situation. En premier lieu, la politique de sédentarisation, entreprise depuis le colonialisme, a été à l’origine de la déstructuration communautaire. Par la suite, l'inadéquation des politiques et des démarches de développement adoptées et appliquées antérieurement et des structures administratives (centralisation, concentration, lourdeur...) que traduisent, entre autres, la non maitrise de l’affectation des terres, l’inefficacité de la gestion sociale, l’inadaptation des itinéraires et paquets technologiques de mises en valeur, la défaillance de la recherche-développement, etc.
Ce sont là les enseignements que l’analyse diagnostic permet de dégager, comme s’en dégage également un savoir faire traditionnel ingénieux dans la préservation des ressources naturelles, la lutte contre l’érosion tant hydrique qu’éolienne et de mobilisation des ressources en eau. De même, la lutte contre la dégradation des ressources naturelles et pour leur conservation, les ressources en sol en particulier, a été entreprise très tôt, depuis les premières décades du dernier siècle avec le début des travaux de fixation des dunes littorales (dunes de Remel, de Souania et de Dar Chichou) et même des dunes continentales (Kebili). Bien que les réalisations accomplies n’ont pas été toujours couronnées de succès, surtout dans les reboisements et l’aménagement des bassins versants, elles ont le mérite d’avoir permis l’affinement des méthodes et techniques d’intervention.
Parallèlement, une évolution vers une prise de conscience accrue quant à l’impérative nécessité de privilégier l’atténuation et la prévention des effets et des impacts de la désertification. C’est dire que la lutte contre la désertification est désormais perçue comme une tache incontournable dans l’œuvre de développement entreprise dans le pays en général. Elle est à intégrer a la base de toute initiative de developpement. C’est pourquoi, d’ores et déjà plusieurs stratégies sectorielles et projets de protection des ressources naturelles concourent à la lutte contre la désertification. Il s'agit notamment de :
- La stratégie de mobilisation des ressources en eau,
- La stratégie de Conservation des eaux et du sol (CES ),
- la stratégie sylvopastorale,
- les projets de développement agricoles intégrés,
- les projets de développement rural intégré (PDRI)
- Les projets d'appui tels que les programmes de recherche et d'observation des écosystèmes dans différents milieux.