Neutralité en matière de dégradation des terres (NDT): le concept
En octobre 2015, lors de la douzième Conférence des Parties (COP12) de la CCD, les pays Parties approuvent la définition de la NDT comme étant un « état dans lequel la quantité et la qualité des ressources terrestres, nécessaires pour appuyer les fonctions et services afférents aux écosystèmes et améliorer la sécurité alimentaire, restent stables ou progressent dans le cadre d’échelles temporelles et spatiales déterminées et d’écosystèmes donnés ».
L'évaluation de la NDT en Tunisie : Processus et résultats
Cette opération consiste à dresser une situation de référence pour la NDT en Tunisie sur la base des trois indicateurs prédéfinis. Il s'agit de : l’ « Occupation des terres », la « Productivité des terres » et le « Stock de carbone séquestré » dans le sol et au-dessus de celui-ci tels que définis par l’ODD15, la cible 15.3 et l’indicateur 15.3.1.
Occupation des terres. L’occupation du sol de la Tunisie a été élaborée par l'exploitation combinée des deux Inventaires Nationaux Forestiers et Pastoraux de 1990 (publié en 1995-DGF) et de 2000 (publié en 2010-DGF). Toutefois, ces deux INFP n’ont pas été élaborés selon la même méthodologie, ce qui pose des problèmes lors de l’analyse diachronique des deux états d’occupation (Carte1).
La solution adoptée a consisté à regrouper les occupations des deux inventaires (types d'occupations) en six classes comme celles préconisées par le Mécanisme Mondial. Il s'agit des occupations suivantes : (1) Forêts ; (2) Arbustes, Prairies et zones à la végétation clairsemée ; (3) Terres cultivées ; (4) Zones humides et plan d’eau ; (5) Zones artificielles ; (6) Terrain non viabilisé. La comparaison des deux situations de 1990 et 2000 ont permis de déterminer des niveaux moyens de changement d'affectation des terres qui ont été employées pour dresser la situation de 2016.
La quantification des indicateurs de situation de référence de la NDT a été effectuée sur la base des dynamiques observées durant la période 1990 et 2016. La tendance générale fait état d'un changement d'affectation des terres de l’état de forêts et parcours vers les terres cultivées et les zones artificialisées, avec des niveaux différents pouvant atteindre jusqu'à 10% dans le cas des espaces pastoraux et steppiques.
Le territoire national est occupé à hauteur de 28.5% par des terres cultivées. Cette occupation est en train de progresser au dépend des écosystèmes notamment forestiers et pastoraux. Elle a enregistré une augmentation de plus d'un demi-million d'ha durant les 20 dernières années (soit de 13%).
En conséquence, les superficies des forêts et autres formations forestières (maquis et garrigues arborés) qui n'occupent que 6% du territoire national, ont chuté respectivement de 27100 ha et 504300 ha durant la même période, soit une régression respective de 4% et 10%.
Les terrains non viabilisés, quant à eux, ont enregistré une augmentation de 177200 ha durant les 20 dernières années (soit de 4%).
Au total, 738600 ha de terres sont à restaurer, toutes occupations confondues.
Productivité des terres La productivité des terres est « la capacité de productivité primaire nette (PPN) totale de la surface, définie comme étant l'énergie fixée par les plantes, moins leur respiration ».
5 classes qualitatives de tendance sont identifiées :
En absence de données permettant de calculer la productivité sur la base d’une série suffisamment longue de cartes NDVI (Indice Normalisé de Végétation), nous avons procédé à la détermination du paramètre NDVI entre deux périodes où les conditions climatiques (surtout la pluviométrie) sont presque similaires et les images ont été prises à la même saison / le même mois. Le choix a porté sur les années 2003 et 2009 avec un intervalle temporel de 5 années.(1) Déclin de la productivité ; (2) Premiers signes de déclin ; (3) Stable subissant des perturbations ; (4) Stable ne subissant pas de perturbations, (5) Accroissement de la productivité (Réseau Sahel Désertification-ReSaD, 2017).
Ces comparaisons ont permis de dégager trois classes de tendances :
- une tendance de chute de NDVI qui correspond à une diminution de la productivité des terres, principalement dans la région du Nord et moins prononcée dans la région du Centre du pays et la Djeffara. (Carte 2, couleur bleue) ;
- Une tendance d’augmentation de NDVI (Carte 2 couleur rouge qui signifie en général une élévation de la productivité (régions frontalières ouest, sahel de Sousse)
- Une tendance stationnaire, correspondant éventuellement à un maintien d’un niveau stable de la productivité des terres (Carte 2 couleur jaune). Elle comprend les territoires où la qualité des sols est très faible (grand Erg, nombreuses zones et montagnes arides, …).
Le croisement de la carte de changement du NDVI avec celle de l’occupation des sols de 2016 a permis d’identifier des chutes de la productivité par type d’occupation.
En conclusion :
La majorité des terrains (78%) n’a présenté de variation de la production primaire entre 2003 et 2009. Ils correspondent aux zones très arides à désertiques où la production est très peu variable, compte tenu du taux de recouvrement très faible à nulle dans ces régions.
La classe où la « Productivité est en baisse » et qui couvre une superficie de l’ordre de 1437300 ha, soit 10% des terres. C'est un niveau qui devrait interpeller les gestionnaires et autres décideurs surtout que la situation déjà préoccupante risque d'être amplifiée davantage sous les effets du changement climatique.
Les territoires où la production primaire s'est améliorée, couvrant environ 12% du territoire, ne semblent pas poser un problème particulier à priori même s’ils peuvent cacher diverses disparités locales que l'analyse diachronique n'a pas élucidé. Ces territoires sont à protéger et surveiller pour prévenir toute dégradation éventuelle quelle que soit sa nature, ses origines et son ampleur.
Stock de carbone dans le sol et au-dessus de celui-ci. Il correspond à la quantité de carbone contenue dans la litière et dans les divers horizons du sol (ReSaD, 2017).
Cette information n'est pas disponible, actuellement, à l'échelle nationale. Tout effort d’opérer des arrangements basés sur des hypothèses compensatoires, sera donc contraint par l'indisponibilité d’un minimum de données.
En attendant une définition plus précise de cet indicateur, nous avons retenu pour cible les surfaces ayant observé des pertes nettes du potentiel de séquestration du carbone dans les sols. Ceci a concerné essentiellement les espaces qui ont subi des dynamiques régressives tels que les forêts et les prairies qui ont évolué vers des terres non viabilisées. Il s'agit de 177217 ha correspondant à des zones situées surtout dans les milieux arides où les conditions climatiques sont les moins clémentes et les conditions socioéconomiques les plus précaires.
Détermination des cibles nationales volontaires (CNV) de NDT
La définition des cibles requiert une large concertation dans laquelle tous les acteurs centraux, infrarégionaux et locaux doivent être impliqués afin de déterminer une méthodologie commune adaptée aux conditions nationales.
Néanmoins, il nous a été possible de proposer au terme de cette analyse une CNV nationale préliminaire basée sur la mesure des trois indicateurs clés de la NDT.
La Cible Nationale Volontaire (CNV) de la Tunisie vise à neutraliser la dégradation des terres sur une surface totale de 2.2millions d'hectares réparties sur l'ensemble du territoire national et ce d'ici 2030. Nous tenons à préciser que cette cible n'est que préliminaire. Elle mérite d'être davantage d’être précisée dans un cadre de concertation et d'échanges plus ouverts aux expériences et contributions de tous les partenaires clés (scientifiques, métiers, planificateurs,...).
La déclinaison de cette cible nationale en cibles spécifiques vise à :
- Stopper la reconversion des forêts, des prairies et des parcours steppiques en terres cultivées, et ce par la restauration de 738,6 milles ha, y compris la restauration des terres non viabilisées sur une superficie de 177,2 milles ha.
- Améliorer la productivité des forêts, arbustes, prairies et zones à végétation clairsemée, des parcours steppiques et des terres cultivées en déclin ou affichant les premiers signes de déclin sur 1,45 millions d'ha.
- Améliorer la proportion du carbone séquestré sur 177,2 milles ha par différentes techniques (reboisement, agriculture durable, apport de matière organique, ..).
Neutralité en matière de dégradation des terres (NDT): le concept En octobre 2015, lors de la douzième Conférence des Parties (COP12) de la CCD, les pays Parties approuvent la définition de la NDT comme étant un « état dans lequel la quantité et la qualité des ressources terrestres, nécessaires pour appuyer les fonctions et services afférents aux écosystèmes et améliorer la sécurité alimentaire, restent stables ou progressent dans le cadre d’échelles temporelles et spatiales déterminées et d’écosystèmes donnés ». L'évaluation de la NDT en Tunisie : Processus et résultats Cette opération consiste à dresser une situation de référence pour la NDT en Tunisie sur la base des trois indicateurs prédéfinis. Il s'agit de : l’ « Occupation des terres », la « Productivité des terres » et le « Stock de carbone séquestré » dans le sol et au-dessus de celui-ci tels que définis par l’ODD15, la cible 15.3 et l’indicateur 15.3.1. Occupation des terres. L’occupation du sol de la Tunisie a été élaborée par l'exploitation combinée des deux Inventaires Nationaux Forestiers et Pastoraux de 1990 (publié en 1995-DGF) et de 2000 (publié en 2010-DGF). Toutefois, ces deux INFP n’ont pas été élaborés selon la même méthodologie, ce qui pose des problèmes lors de l’analyse diachronique des deux états d’occupation ().
Démarche préconisée pour l’affinement des cibles nationales de la NDT
Le Conseil National de Lutte Contre la Désertification a validé le PANLCD le 18 avril 2019 et a décidé d’affiner la Cible Nationale Volontaire (CVN) de la NDT. Il a adopté, lors de l’atelier de présentation du PANLCD (20 juin 2019), une feuille de route, pour le processus d’identification/affinement des cibles nationales de la Neutralité de la Dégradation des terres, annoncée par le PANLCD aligné (2018 – 2030).
Le Ministère chargé de l’Environnement finira, en 2020, ce processus selon la feuille de route comportant les actions suivantes:
- L’engagement d’une expertise pour l’élaboration des termes de références et pour une étude de définition des CVN de la NDT ;
- L’appui scientifique d’institutions nationales (i.e. IRA de Médenine, INGREF, IDR) ;
- L’identification des acteurs clés de la NDT (DGACTA, DGF, OEP, PV ….) et la constitution de groupes de travail ;
- L’organisation d’ateliers i) de réflexion sur l’approche de travail, ii) de formation (dont certains ont été réalisés en 2019), iii) de travail thématiques (forêts et parcours, agrosystèmes, CES …..), iv) de restitution et de validation ;
- La validation des résultats des travaux par le Conseil National de Lutte contre la Désertification.
La démarche préconisée est participative, notamment avec la constitution de groupes de travail thématiques (CES, forêt, parcours, terres agricoles,…) et coordonnée par les institutions responsables des stratégies sectorielles. Elle est supervisée par le secrétariat du Conseil National de Lutte Contre la Désertification avec l’appui du Mécanisme Mondial (UNCCD) et le Bureau d’études qui sera chargé de l’étude en question.